Feindre l'orgasme tu ne fera point
[f.e.e.]

Certains soirs, lorsque je faisais mon devoir conjugal, je lui sortais le grand jeu. Je lui offrais un « show de masturbation », la totale, lui était spectateur de mes prouesses. Je mettais le paquet, une vraie scène porno. Bien sûr parfois, je réussissais à me faire jouir de la sorte et c’était bon, mais souvent mon cerveau était tellement en mode « Action, on tourne! » que rien ne se passait dans mon corps. Zéro sensation, je mimais le plaisir et la jouissance au grand bonheur de mon conjoint qui admirait la prestation. J'avais effectivement un gros problème! D’autres soirs, j’avais tellement hâte qu’il en finisse, soit parce que j'étais fatiguée ou sachant pertinemment que rien de ce qu’il essaierait ne me ferait tout simplement pas jouir, alors je prenais le dessus et je le finissais actant encore une fois l’orgasme. Il était satisfait pensant avoir enfin réussi, pour moi il avait joui… mission accomplit on peut enfin dormir. Pendant une période, nous avons abordé le sujet, car je sentais un grand manque dans ma vie de femme et je désirais sincèrement régler ce problème. Cela n’a pas été facile, bien sûr encore une fois tout reposait sur mes épaules. Il avait tenté d’être plus performant, plus endurant, plus attentif à mes besoins, mais en vain. Encore une fois, je me suis résignée. Ma vie sexuelle serait un éternel mensonge…

Lorsque je me suis séparée, j’ai eu à partager mon lit avec certains hommes... Lors de nos échanges, cet automatisme refaisait automatiquement surface, j’étais conditionnée à feindre. Je ne laissais même pas la chance au coureur de prouver ses talents. Non, j’étais convaincue qu’il perdrait son temps, alors autant prendre le peu de plaisir que j'avais, c'est-à-dire m’occuper de lui et le faire jouir. Dès que je voyais que mon partenaire s’enlisait dans les méandres de mon insatisfaction, je prenais le dessus automatiquement. Je ne le faisais pas par envie, ni par plaisir, mais par habitude. Je ressortais vide de ces échanges, je ne me sentais pas bien. J’avais la sensation de n’être qu’une poupée gonflable que l’on prend, que l’on baise et que l’on range dans un placard. Ne servir qu’à donner du plaisir, c'est ainsi que je pouvais me sentir. J’y reviendrai dans un autre texte.

Je me souviens de ce fuck friend, on se voyait à l’occasion, cet homme était très difficile à faire jouir. Un soir, cela faisait au moins une bonne heure, si ce n’est pas plus que l’on essayait plusieurs positions, rien n’y faisait. Il ne viendrait pas et il ne me ferait pas jouir non plus. J’étais irritée et je n’y prenais aucun plaisir. La soirée partait totalement en vrille, mais il ne voulait pas me laisser partir tant qu’il n’aurait pas réussi à me faire jouir. « Fuck, ça ne sert à rien mon coco!!!! » Je me suis dit « Non, ce n’est pas vrai que je vais supporter ça encore longtemps, on va lui donner satisfaction. » Alors je lui ai fait tout un show les amies. AAAAAHHHH ! ouiiiiii! C’est bon! AAAAAhhh! Oui bla blabla… J’ai joui! Mensonge, mais ouf, je peux rentrer maintenant. Cette soirée d’ailleurs mit un terme à notre partenariat.

Les gestes, les gémissements, les plaintes... tout était faux, tout était devenu un réflexe qui me collait à la peau. Je mentais effrontément à ces hommes qui pensaient à tort me procurer un incroyable moment de jouissance. Mais moi, je ne voyais pas cela comme ça, je pensais plutôt m’en sortir à bon compte prenant ce dont j’avais envie; (Caresses, tendresses, contacts.) Je ne voyais pas du tout la gravité de mes actes. Je vois aujourd’hui comment je me mentais à moi-même puisque j’en étais rendue à considérer que mon plaisir était seulement de donner du plaisir aux hommes. Je ne permettais pas à l’autre d’essayer et je ne voulais pas croire que cela pouvait être possible… Si par un heureux hasard l’un d’entre eux réussissait à me faire jouir (ce qui est rarement arrivé), je restais agréablement surprise. Je compris des années plus tard à quel point j’avais gâché mes chances d’obtenir une sexualité qui aurait pu être toute autre. Sûrement plus satisfaisante, plus épanouissante puisque je me serais permis de dire réellement ce que je désirais et comment je le voulais. Par la même occasion, j’aurais permis à l’autre de découvrir mon corps, son fonctionnement, de lui permettre d’apprendre. Je pensais éviter de toucher son ego en me taisant, j’aurais dû parler et mettre mon propre ego de côté tout simplement. Dans l’histoire, je suis la plus grande perdante…

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